Nous sommes cette génération qui se pensait sacrée, intouchable. Ou plutôt nous n’y pensions même pas. Nous étions simplement là à courir comme un hamster dans une roue en quête de réussite, de reconnaissance et de succès. Tous happés par cette frénésie qu’à la fois nous accablions et nourrissions si tendrement.

Et puis un jour, on se lève en apprenant que nous ne sommes pas immunisés. Que cette immunité n’est pas monnayable, pas corruptible ; que ce virus n’est pas sélectif, pas discriminant et que sa contagiosité est fulgurante.
L’événement est inédit, tragique mais ô combien révélateur et porteur de leçons.
Il y eut d’abord l’accablement. Le sentiment d’un monde qui échappe à notre contrôle. On assiste (participe ?) à des scènes surréalistes d’hystérie et de panique générale. Les comportements les plus primaires font écho à notre insoutenable précarité. Nous révélons notre intériorité : la peur du manque, l’insatiable égoïsme et l’angoisse de lendemains incertains. Pourtant, le paradoxe exaltant est que cette pandémie prouve à quel point nous évoluons dans un corps social intime et interdépendant. Le monde n’est tout d’un coup plus organisé par castes. On développe même un espèce d’altruisme intéressé en créant les conditions pour les autres afin de neutraliser le danger pour nous-mêmes. Si bien même que l’échelle de la reconnaissance sociale est complètement inversée : les « notables » sont en quarantaine. Les essentiels sont au front : médecins, éboueurs, forces de l’ordre… Encore une belle leçon d’humilité.
En parallèle, les réseaux sociaux explosent pour ralentir la courbe de cette hypocondrie mondialisée. Cours de sports en tous sens, recettes maison alléchantes,…Etc. Bref, on essaie de nous mettre des paillettes dans nos vies. Il y a certainement, dans tout ce fouillis, un élan sincère de solidarité et d’union autour d’un événement historique qui cloue à terre plus de la moitié de la planète. Je pense aussi que ces activités peuvent être sources de divertissement et d’apaisement pour nos esprits tourmentés. En cela, les réseaux sociaux ont un impact positif. Mais je me pose également la question sur cette nécessité pour certains à substituer l’omniprésence à la présence. Ou encore cette tendance pour d’autres à étaler avec arrogance leurs conseils et leur confinement dans des conditions privilégiées, sans aucune pudeur ni humilité.
Pourquoi ne pas pouvoir se passer des autres et les dispenser de nous ? Car « L’enfer c’est les autres » disait Sartres. Cet Autre qui nous entraine inlassablement vers une course effrénée à la performance.
Sans doute aussi, nous cédons au divertissement à outrance pour éviter de penser à notre propre condition et nous retrouver confronté/réduit à nous-même. Pourtant, une période si inédite peut être salvatrice. Peut-être est-ce une occasion inespérée pour se recentrer, repenser son chemin personnel, redécouvrir ses rêves enfouis, créer le déclic, laisser place à ses aspirations profondes et se détacher des diktats.
Une occasion urgente aussi pour se questionner sur tous nos schémas de pensées, nos modes de vie, nos modes de consommation, notre impact sur cette planète,… car nous l’aurons compris, nous sommes tous interdépendants.
Alors oui, l’ennui peut être salutaire s’il permet d’éveiller nos consciences.